Ce n’est pas l’autoportrait le plus réussi mais c’est celui qui m’a définitivement fait prendre un tournant dans cet exercice et dans mon évolution personnelle.
Quelques mois auparavant, je m’étais lancée professionnellement en photographie, j’avais mon numéro de siret et je n’attendais plus que les clients.
Spoiler alert 1 : Il y en a eu
Spoiler alert 2 : Je les ai tous envoyé chez une autre photographe…
Je disais à chaque fois la même phrase :
“J’ai trop de travail, je ne vais malheureusement pas pouvoir m’ajouter un contrat supplémentaire, mais j’ai quelqu’un de très bien à vous conseiller.”
FAUX.
Je n’avais aucun taf.
J’angoissais juste tellement que je préférais tout décliner. J’étais persuadée que j’allais tout foirer. Les gens allaient regretter de m’avoir contactée et ils allaient penser (pire : RÉALISER) que je ne savais pas du tout faire de la photo (le syndrome de l’imposteur, gros gros kiff).
Tout allait bien dans le meilleur des mondes, le mien donc, celui où on s’évite tout, le taf, les gens, les jugements (je ne suis pas folle vous savez), jusqu’à ce que je réalise que tout ça n’allait pas pouvoir continuer indéfiniment (faut bien manger)
Spoiler alert 3 : j’ai quand même tenté haha !
Sauf que je me suis bien sûr retrouvée à sec.
Et ma mère de me demander :
“Mais tu n’as personne qui te contacte pour travailler ?”
Oups.
Il était temps de régler le problème.
Je suis allée voir une thérapeute et, je vous la fais très courte, au milieu des échanges sur le manque de confiance en soi, il en est sorti que j’avais envie de faire du nu mais que je n’osais pas.
Je suis rentrée et je me suis foutue à poil.
C’était étrange et euphorisant.
Une vraie libération !
Quel rapport avec le taf ?
Eh bien tout simplement la confiance en soi qui a un peu bougé en acceptant de faire ce que j’avais envie de faire !
Tout a commencé avec cette photo, en 2004 si mes données ne me trompent pas !
Au moment de cet autoportrait je vis à Paris, chez Mathieu, l’amoureux de l’époque.
Je suis maquilleuse studio et je fais ce qu’on appelle des tests, des collaborations qui permettent à chaque personne d’une équipe d’avoir de belles images de son travail et de les intégrer à un book qui permettra de se vendre.
La veille de cet autoportrait j’assiste impuissante au comportement (très) déplacé du photographe avec qui j’avais choisi de faire un test.
Tout le monde a le droit à son insulte et à son humiliation.
Je rentre vers 22 heures, dépitée et choquée. Je me couche mais bien sûr je ne trouve pas le sommeil.
Je me lève vers 4 heures et je me pose au salon avec un bouquin.
” Ça va bien réussir à faire taire ma tête, non ? “
Eh non….
Je ne veux plus jamais vivre ce malaise pour obtenir des photos de mon travail et la seule solution qui me vient à ce moment-là c’est d’apprendre à prendre la place du photographe : plus je saurais me débrouiller par moi-même pour obtenir de bonnes images, plus je pourrais être exigeante dans mes collaborations !
Pouvoir me débrouiller seule si je ne trouve pas de personnes saines, voilà le projet !
Quelques heures plus tard, je me maquille et j’emprunte le compact de Mathieu pour faire des autoportraits, parce que j’imagine que personne ne voudra poser pour moi si je n’ai rien à montrer.
Avant, il m’arrivait aussi de jouer les modèles pour des photographes, l’évidence de se photographier soi-même pour avoir un peu de matière se posait donc là : si je sais le faire pour les autres, je saurai le faire pour moi !
L’idée c’était de me prendre en photo, de sortir quelques images cool, d’envoyer ça à des modèles que je connaissais en leur expliquant que je me lançais en photo et voir avec avec elles si ça pouvait les intéresser de poser pour moi.
Spoiler alert 1 : ça a marché !
Spoiler alert 2 : j’ai quand même continué l’autoportrait…
Comme beaucoup de monde à l’époque, je squattais de nombreux sites photo et un particulièrement, qui était réputé pour ses critiques à l’aveugle : dire ce qu’on pense d’une photo sans en connaître l’auteur – pendant 24 heures – afin d’être le.a plus objectif.ve possible. J’ai bien sûr partagé cette photo et je me souviens de ma toute première critique : le bout de mon nez qui touchait pile poil la ligne de ma joue et qui perturbait la lecture ! Aujourd’hui encore je ne vois plus que ça !